lirik lagu médine - enfant du destin (kounta kinté)
j’écarte la végétation qui me gêne
mes pieds écorchés piétinent ma terre gambienne
quand bien même je continue ma course
poursuivi depuis l’aube par je ne sais quelle bête de la brousse
mon souffle est à bout, je m’économise
mais quel drame, quelle malédiction me colonise ?
j’entends les brindilles qui craquent sous leurs pas
j’accélère, décidé à ne pas faire partie du repas
non ! un tant soit peu le rythme s’intensifie
à mesure que la verdure se densifie
impossible d’échapper à ce plan
je sens mon corps transporté dans le ventre de l’oiseau blanc
tout s’embrouille, mes poignets sont ferrés
je vois s’éloigner la silhouette de la forêt
fuyez derrière les fougères, au fond des fourrés
tel est le cauchemar d’un homme du village djouffouré
“kunta… kunta…
– j’ai fait un cauchemar”
à quatre jours de pirogue de la côte de gambie
le fleuve du même nom a vu son niveau grandir
ces eaux pluviales, dans un climat tropical
à djouffouré, village de l’afrique occidentale
où les histoires se content la nuit
où le ciel se contemple et les années se comptent en pluie
où tout bas, on évoque les toubabs
pour effrayer les enfants, le soir, sous un baobab
où personne n’est plus âgé que les arbres
où l’on dit que les armes du ch-sseur ont une âme
c’est ici que naquit dans cette jungle
kunta, guerrier noir, de la tribu des mandingues
fils de binta et d’omoro kinté
voilà deux lunes, que la hutte familiale il a quitté
équipé d’un lance-pierre rudimentaire
offert par son père, qui lui aussi le tenait de son père
c’est ainsi que les enfants deviennent hommes
en quittant leur famille pour l’enseignement des psaumes
circoncision et lutte africaine
feront de kunta un redoutable adversaire
à son retour, il déchargera sa mère
en s’occupant quotidiennement de son pet-t frère
pet-te fripouille à la frimousse qu’il affectionne
pas une seconde se p-sse sans qu’il questionne
son ainé sur la longueur de l’année
sur la taille de son nez, ou a propos du grain semé
afin de mettre fin à son éloquence
demain kunta lui fabriquera un tambour de brousse
au matin, il part-t en quête du tronc
qui lui servira de caisse de résonance
avec pour seul ami un chien qui guette les trous
et sa poitrine fraichement gonflée d’-ssurance
rien ne semble perturber la matinée
par aucun cri de babouin, le silence ne sera brisé
les chevilles dans la rosée, il tape le bois
le résultat, il lui tarde de le voir
presque autant que le reste du monde
l’idée de voyager s’accapare de son attention
il rêve du mali via la mauritanie
du pèlerinage, à la mecque bénie
soudain une impression de déjà vu, le chien n’aboie plus
une odeur de poulet mouillé, c’est le toubab et ses alliés
un objet lourd lui écrase l’épaule
d’une force insuffisante pour l’envoyer au sol
dieu merci kunta se dégage de leur merci
mais court vers un filet qui oriente sa poursuite
un coup de fouet réduit ses vêtements en pièces
un deuxième lui dépèce l’épiderme des fesses
il dépêche au p-ssage une pierre qu’il décoche
à toute force dans le visage le plus proche
il déteste que des noirs lâches aident à la débauche
que sa personne soit l’objet des négoces
et que les traîtres soient peut-être de sa caste
des noirs qui, contre un miroir, leur histoire saccagent
des ch-sseurs au services d’un armateur
qui deviendront sûrement la proie de leurs employeurs
une fois le travail accompli, les complices
redeviendront de la marchandise
kunta a le cœur qui s’agite
tandis qu’il enjambe les champs d’arachides
en espérant pouvoir échapper au guet-apens
mais l’enfant vient d’être violemment frappé à la tempe
c’est dans l’entre-pont que kunta s’éveille
dans le ventre de cette bête qu’il n’avait vu qu’en sommeil
le corps gisant dans ses propres déjections
infection d’une centaine de corps en ébullition
matières fécale et vomissures purulentes blessures brûlantes
sur fond de mort pullulante fulgurante douleur entre les omoplates
combien de temps s’écoulèrent depuis qu’ils quittèrent la plage ?
peut être 5, 6, 7 ou 10 jours peu importe ce navire fera demi-tour
avant que de la mer jaillisse la terre
j’emporterai ces matelots aux portes de l’enfer
les toubabs n’ont-ils pas de divinité ?
n’ont-ils pas d’enfants ou d’épouses à aimer ?
puisqu’ils violent tuent et souillent de leur sperme
la virginité de nos princesses africaines
ces toubabs n’ont-ils pas de dignité ?
n’ont-ils pas de savoir-vivre à enseigner ?
puisqu’ils frappent fouettent et bien pire encore
en laissant pour morts les moindres recoins de nos corps
embarqué à bord du lord ligonier vendu au profit d’exploitants cotonniers
c’est ce qu’on raconte désormais de ce voyage
kunta et les autres deviendront des esclaves
alors profitant d’être sur le pont
pour l’exercice quotidien, il saisit l’occasion
le mot mutinerie en mandingue est pr-noncé
et de sa chaîne émoussée, il étrangle le geôlier
bascule à bâbord c’est le fouetteur qu’il bouscule
à tribord libère ses compagnons de cellule
bientôt le ponton sera rempli de foyers
d’-ssez de guerriers pour dérouter le voilier
mais devant ces bâtons qui crachent le feu
leurs poitrines se creusent et ils s’écroulent comme des feuilles
kunta bataille sous les voiles du négrier
parmi les cris et les tirs de leurs canonniers
avant qu’une grêle de fouets siffle sur son corps
tellement fort qu’ils lui sillonneront le cœur
la peau zébrée par des lanières de cuir ou de cuivre
aucune manière de fuir ou de vivre
mais bien pire que la mort serait sa captivité
d’effectuer toute sa vie les mêmes activités
à bout de force il n’a plus de plan
les yeux pleins de sang, il aperçoit la terre des blancs
kunta kinté fut renchainé
son peuple troqué par centaines de milliers
enfant du destin
enfant de la guerre
mandingues, soninkés, peuls, cereres et saracoulés
bambaras, yoruba, baoulés, ashantis, diolas et lobis
tous les peuples, toutes les ethnies
toutes les castes, toutes les tribus
enfant du destin
enfant de la guerre
paroles rédigées et expliquées par la communauté rapg*nius france
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