lirik lagu fauve - juillet (1998)
[couplet 1]
vendredi 5 juillet, 22h57
j’descends la rue dans la chaleur d’la nuit
pas mal de monde, pas mal de bruit
un léger souffle d’air tiède traverse mon tee-shirt et glisse sur ma peau
ça fait comme les caresses d’une ado timide
les trottoirs et la chaussée sont pleins, y’a d’tout :
des blancs, des turcs, des kainfs, des indiens, des albanais, des pakis
des gens pouilleux, des gens sapés, des filles jolies
j’en croise une plus âgée qu’moi et j’me dis qu’j’aimerais bien essayer une fois pour pas mourir idiot
je circule entre les épiciers, les taxiphones, les kebabs louches
les affiches de chanteur du monde mondialement inconnus et les bars branchés
où j’ai jamais trop su comment m’tenir mais c’est pas grave ; si certains y sont bien
alors c’est bien
ça sent l’c-min et l’safran, la bière renversée, la cigarette, la viande grillée
ça sent l’été, le vrai, celui qui répare mais déjà je dois m’engouffrer dans la station
c’est pas grave ce soir rien peut m’toucher
j’flotte au-dessus du sol, les planètes sont alignées
dans les galeries pas de grosse surprise encore cette odeur douteuse et ces 4 par 3 toujours pas indispensables
pour un film obscur qui fera surement un four, une comédie raston
la énième tournée d’un groupe de vieux musiciens aux cheveux teints
pour des spectacles de jeunes comiques en théorie pas hyper marrants
pour des marques de vêtements portés par des filles qui ont l’air d’avoir des problèmes avec leur père
et une campagne pour la mobilité qui sensibilisera peut-être personne mais avec une actrice plutôt mignonne
et là je re-croise ces deux filles longilignes qui s’tiennent par la main
c’est justement les mêmes que j’ai vues hier près d’chez mon oncle
je trouve ça touchant et étrange
autant que cet immense guinéen au bout du couloir qui braille avec une voix métallique comme un putain de cor tibétain
une goute d’eau croupie tombe des poutres eiffel dont la peinture fait des cloques
elle atterrit dans mon coup c’est dégueul-sse mais j’ai pas le temps d’jurer
j’entends la sonnerie de la rame au loin
ce soir rien peut m’toucher
j’flotte au-dessus du sol, les planètes sont alignées
[couplet 2]
dans la rame un kosovar qui joue d’une trompette-violon bizarre
je me demande quelle vie il avait avant, tandis qu’il anime mon trajet et celui du groupe de ricains à côté
ils ont l’air un peu perdus avec leur physique tout lisse de gros bébé du futur
j’arrive à mon changement j’p-sse devant les vendeurs de fausses clopes à la sauvette
qui courent, qui crient, presque jour et nuit
ça m’effrayait parfois quand j’étais gamin et qu’on venait dans le quartier avec ma mère et les frangins mais maintenant ça va, maintenant c’est cool
j’monte vers le quai de la plateforme aérienne et à chaque fois que j’suis là bizarrement je repense à cette fille avec qui j’ai fait l’amour pour la première fois
elle habitait juste à côté
on m’avait dit que c’était un peu une trainée mais en vrai, pas tant
ça avait été une jolie nuit
j’laisse mes pensées dériver où elles veulent
constatant avec satisfaction le plaisir d’arriver à faire rouler les images et les mots comme sur des colliers de perles
mais j’oublie pas que j’dois faire des chansons
dans tous les cas ce soir rien peut m’toucher
j’flotte au-dessus du sol, les planètes sont alignées
[refrain]
j’ai 27 ans, bientôt 28
c’est fou comme le temps file
j’ai 27 ans, bientôt 28
et j’pourrais m’dire qu’mes belles années sont derrière moi
j’ai 27 ans, bientôt 28
pourtant j’ai pas de regrets
j’ai 27 ans, bientôt 28
mais ce soir j’ai l’impression d’être en 98
[couplet 3]
je sors et toujours la chaleur dehors
j’avance sous la voûte des marronniers qui font comme une tonnelle
j’serais bien aller dans les magasins pas loin
chez ces mecs pas méchants mais un poil suffisants
poser mes doigts sur un instrument mais c’est fermé, et puis faut qu’j’avance
tout d’un coup sorti de je sais pas où de la musique genre malienne mais chantée en espagnol, ou peut-être de la folk indienne
en tout cas un truc que j’ai jamais entendu mais j’aime bien
on dirait dear prudence, y’a des drums rondes et mates et asynchrones
ça intéresse pas beaucoup les blédards désoeuvrés qui traînent dans l’allée
on n’arrête pas l’biz, ça s’enjaille, ça s’embrouille
y’a une odeur nouvelle dans l’air depuis quelques temps
une odeur d’apocalypse
je me surprends à penser que le déclin est arrivé, ça y est c’est pour nous
et puis malgré tout j’suis pas si inquiet, faut arrêter
on a de la ressource, on est pas les derniers burnés, on va se démerder, bref
j’suis arrivé en bas d’l’immeuble terminus, j’dois monter
ce soir rien peut m’toucher
j’flotte au-dessus du sol, les planètes sont alignées
[refrain]
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